Par Roland Borghini

En 1960 Ferrari a besoin d’argent. La Scuderia dépense des millions pour défendre sa place de leader en compétition et les ventes des coupés ne suffisent plus à financer les recherches d’évolution en course. Il faut aussi combattre les initiatives de la concurrence comme la Maserati 3500 GT qui fait la belle du coté de Monaco. Une seule solution s’offre alors à Enzo Ferrari. Ouvrir la gamme à des modèles plus accessibles. Moins exclusifs et moins segmentants. Le Commandatore va donc parier sur la création d’une automobile de sport grand tourisme capable d’accueillir deux passagers de plus. Pour réaliser pareille performance, il n’y a pas trente-six solutions. Utiliser une base existante, la rallonger en lui rajoutant deux places et en l’équipant au passage d’un moteur ayant fait ses preuves. Ça tombe bien, le patron n’aime pas trop conduire les coupés de sa marque. Une légende confirmée à l’époque par Piero Ferrari lui-même, le fils d’Enzo. « Mon père n’aimait pas prendre le volant de deux places » se souvient -il, « il adorait même les 2+2 et en avait une comme voiture personnelle. Le reste du temps il était toujours accompagné d’un chauffeur et n’oubliait jamais son chien ». Comme toujours, c’est à Pininfarina, le désigner favori de la Scuderia, que le patron va demander de travailler sur ce modèle. Pour l’inspiration Pinifarina n’a que l’embarras du choix. Il a déjà dessiné une certaine Lancia Florida en 1957. Une berline puis un coupé sur la base de la magnifique et mythique Aurelia. Inutile d’avoir l’œil aiguisé d’un spécialiste pour distinguer dans ces deux autos une ressemblance très prononcée. « Le style Pininfarina est omniprésent. Mais c’est lorsqu’on découvre la Florida II que l’air de famille saute aux yeux ». Elle préfigure d’ailleurs la Lancia Flaminia coupé, qui sort en 1959. Dire que la 250 GTE a hérité de ces mythiques autos, relève de l’évidence. Certes la Ferrari est plus racée. Mais de la calandre jusqu’à l’arrière presque  fast back, sans oublier les feux arrière, la patte du designer est partout. Les collectionneurs avisés ne manqueront pas non plus de déceler quelques similitudes avec la Peugeot 404 coupé qui sortira seulement deux ans plus tard. Comme toujours, c’est évidemment grâce aux performances que Ferrari va faire la différence Ferrari site officiel.

Un moteur éprouvé en course

« GTE ça veut dire « Gran Turismo Evoluzione » explique Christophe Decronembourg, patron d’Eliandre Automobile, qui se souvient du modèle que son père avait acheté une bouchée de pain dans les années 80, « la marque ne peut pas décevoir, c’est pourquoi elle travaille d’abord la légèreté pour une auto plus longue de 300 mm». Pour compenser le poids supérieur du châssis treillis multitubulaire à gros tubes ovales, la Carrozzeria Scaglietti responsable de la carrosserie et des assemblages, choisit l’aluminium pour les portes, le capot moteur et le coffre. A l’intérieur la 250 GTE joue luxe et confort. Mais les places arrière – même séparées par un accoudoir – ne sont évidemment pas celles d’une berline. Le coffre lui aussi est agrandi pour pouvoir recevoir les bagages de quatre personnes. Coté moteur, c’est le Tipo 128 e, évolution du V12 élaboré par l’ingénieur Colombo ouvert à 60° d’une cylindrée de 2953 cm3 (alésage/course de 73 mm × 58,8 mm) qui équipe la nouvelle auto. Il est coiffé de la culasse de la 250 Testa Rossa, qui a longtemps fait des étincelles en compétition. Rapport de compression de 9,2:1, trois carburateurs Weber double corps… la Ferrari, même embourgeoisée, n’a pas à rougir devant ses sœurs plus sportives. Elle sort 240 ch à 7 000 tr/min, un record pour une 2+2 d’autant qu’elle pèse 80 kg de plus que la berlinette. Ça ne l’empêche pas non plus de parcourir le 0 à 100 km/h en un peu plus de sept secondes et d’atteindre les 230 Km/h.

A Modène on a aussi retravaillé les suspensions. Les amortisseurs à biellette de style Armstrong sont remplacés par des amortisseurs télescopiques hydrauliques associés à des ressorts hélicoïdaux à l’avant et lames à l’arrière. L’autre nouveauté c’est la position du moteur. Le V12 est disposé de manière longitudinale. Un détail essentiel qui permet d’agrandir l’habitacle. Le bloc est désormais placé devant l’axe des roues avant. Ce qui a pour effet de changer la répartition des masses.

Cannibalisée pour les pièces

« La voiture a donc une légère tendance au sous virage, explique Christophe ». Côté transmission on a choisi une boite 4 vitesses, associée à un overdrive Laycock de Normanville. Ce système, déclenchable électriquement d’un simple bouton au tableau de bord (et qui a déjà fait les beaux jours des Jaguar, MG ou autres Triumph), fait office de cinquième vitesse. Il permet de réduire de 22 % le régime moteur et accessoirement de faciliter les dépassements qui sont beaucoup plus nombreux à cette époque que de nos jours…

A sa sortie, Ferrari ne fait pas les choses à moitié. D’abord elle développe quatre prototypes afin de prouver leur fiabilité en leur faisant parcourir des distances jamais atteintes auparavant par la firme. Ensuite la Scuderia profite de l’édition 1960 des 24 Heures du Mans pour présenter sa nouvelle 250 GTE. Mais elle ne participe pas à l’épreuve. Elle fait juste office de voiture de direction de course. En tout ce sont 950 exemplaires de cette voiture qui seront construits de 1960 à 1963. Ce qui fera de ce modèle le plus commercialisé par la marque. A titre de comparaison, à cette époque, Ferrari n’avait construit que 685 voitures de route depuis sa création en 1947. Aujourd’hui ce 2+2 est un collector inaccessible. Un juste retour des choses, puisqu’elle fut lâchement délaissée dans les années 70. Elle sera même cannibalisée pour servir de banque de pièces aux restaurateurs des 250, puisque partageant beaucoup d’organes avec ce modèle. Il n’est donc pas rare de trouver des 250 GTE parfois sans moteur ! Après avoir touché le fond de la côte avec des valeurs n’excédant pas les 15 à 20.000 € dans les années 80, la belle atteint de nos jours les 400.000 € !  Sa succession, la 330 GT 2+2 est un peu plus accessible. Nous viendrons vous compter son histoire très vite.

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