Comme souvent, c’est davantage par son historique que par son palmarès que cette Porsche 911 S/T retient l’attention, propriété durant quatre décennies d’un garagiste parisien féru de pilotage qui la conduira sur trois courses légendaires.

Photo de couverture : Porsche 911 S/T de 1971 – Wikimedia Commons

Porsche 911 : Une Révolution dans la Compétition Automobile

En 1965, la présentation de la Porsche 911 a tout bonnement révolutionné l’univers de la compétition-client à travers le monde. Avec son moteur en porte-à-faux arrière facilement accessible, la 911 devint rapidement la coqueluche des pilotes privés désireux de s’engager en rallye, en course de côte ou sur circuit. D’autant plus qu’à Weissach, au siège de Porsche, on encourageait vivement les clients à s’engager en course en leur proposant toute l’assistance possible avec, notamment, ce fameux « Sport Purpose Manual », un manuel de conseils pour se lancer en compétition.

Porsche 911 S/T : Une Version Allégée pour les Pilotes Privés

Les résultats ne se feront guère attendre et dès la fin des années soixante, les grilles de départ vont être envahies par les bolides allemands au point que lors de l’édition 1971 des 24 heures du Mans, pas moins de 23 voitures sur les 26 engagées en catégorie GT seront des Porsche. L’usine ne se contentera d’ailleurs pas d’observer le phénomène et développera en 1967 sa propre 911 « lightweight » de compétition baptisée 911R. En 1970, Porsche va commencer à proposer toute une gamme de pièces détachées aux propriétaires de 911S afin de leur permettre de faire homologuer leur exemplaire selon les nouvelles normes Groupe 4 de la FIA. Afin de s’épargner les soucis fastidieux qui vont de paire avec l’homologation d’un nouveau modèle, la voiture ainsi modifiée conservera l’appellation S mais en interne, Porsche la nommera 911 S/T.

Associer l’équipement allégé de la 911T à la motorisation 2,2 litres de la 911S va remporter un franc succès autant pour la marque que pour les pilotes privés. On trouvait donc parmi les options proposées pour réduire le poids de sa voiture, des extensions d’ailes en fibre de verre, tout comme le capot et les ailes avant, des boucliers avant et arrière en plastique, des vitres en Plexiglas et certaines pièces en aluminium et polymère renforcés de fibre de verre comme les portières et le coffre arrière. Une grande partie de l’habillage intérieur était supprimé et des sièges Recaro venaient compléter le tout. En fonction du style de compétition envisagé, d’autres modifications pouvaient être apportées, comme les absorbeurs de chocs Koni de type « tropical » renforcés pour les amateurs de rallyes-safaris.

Porsche 911 S/T : Une Rareté Historique sur Circuit

Entre 1970 et 1972, il semble qu’environ 62 exemplaires aient été produits, dont celui qui nous intéresse ici : la propriété d’un certain Jacques Dechaumel dit Jacky.

En cette fin des années soixante, ce garagiste français basé à Levallois, en région parisienne, est un grand amateur de Porsche. C’est aussi un pilote expérimenté qui courut en 356 dans les années soixante avant de passer à la 904 GTS. En 1969, Dechaumel fait l’acquisition d’une 911S avec la volonté de s’attaquer aux 24 Heures du Mans. Il termine quatorzième au classement général et à une toute aussi honnête quatrième place dans la catégorie GT. En 1970, Jacky se présente en avril sur le circuit de la Sarthe. Mais pas pour les 24 Heures, bien sûr, qui n’auront lieu qu’en juin. L’Automobile Club de l’Ouest a en effet créé une compétition d’une durée de 3 heures en guise d’essais préliminaires avant les mythiques 24 tours d’horloge, à l’issue de laquelle le parisien terminera à une prometteuse onzième place. Mais il franchira, hélas non classé, la ligne d’arrivée des 24 Heures deux mois plus tard.

La Porsche 911 S/T de Jacky Dechaumel : Une Conversion Maison

Ayant eu vent de cette nouvelle version S/T, Dechaumel va se procurer une 911 2,2 S (châssis 9110300551) pour la saison 1971 avec l’objectif de la convertir aux spécifications de la S/T Groupe 4. Il va se procurer les pièces adéquates chez Sonauto, l’importateur Porsche pour la France, et s’atteler à la tâche dans les ateliers de son garage, Jacky Auto Sports. Le règlement de la FIA ne permettant pas de gonfler la cylindrée de plus de 100 centimètres cube par rapport aux moteurs de série, le pilote-garagiste va se présenter au Mans en avril avec une 911S 2,3 litres pour terminer à la 24è position des essais préliminaires de la course. C’est aux 1000 kilomètres de Spa que Dechaumel et sa 911 font leurs véritables débuts en championnat, sur les 14 kilomètres de l’épuisant ancien tracé du circuit de Francorchamp que la Formule 1 vient d’abandonner. Avec son coéquipier Jean-Claude Parot, Jacky se classera bon dernier derrière une meute féroce constituée de Porsche 917 et autres Ferrari 512 après 38 tours effrayants au cours desquels il passera plus de temps à regarder dans son rétroviseur qu’à regarder la piste devant lui.

Un mois plus tard, le duo fait son retour au Mans pour les 24 Heures. Cette fois, la meute est majoritairement composée d’une multitude de 911 S/T mais beaucoup ne verront pas le drapeau à damiers avec seulement 12 équipages à l’arrivée sur les 49 engagés. Dechaumel et Parot n’en feront pas partie, contraints à l’abandon, suite à une panne moteur vers la treizième heure de course. L’ultime sortie internationale de la S/T aura lieu aux 1000 kilomètres de Paris, sur le Circuit de Montlhery où elle effectuera 72 tours avant d’être accidentée. Expert en la matière, Jacky la reconstruit patiemment mais il ne courra plus avec, lui préférant désormais un prototype BBM à moteur Porsche pour toute la saison 1972. 

Porsche 911 S/T : Une Histoire de Famille et de Passion

Un peu oubliée mais précieusement conservée, la vieille sportive va sortir de sa léthargie en 1998, réveillée par Daniel, le fils de Jacky, qui va la remettre en piste et l’engager dans de nombreuses compétitions et autres rallyes historiques à travers la France, dont le Rallye Lyon-Charbonnières et le Rallye National des Vins à Mâcon.Fait exceptionnel, ce châssis 9110300551 aura été conservé durant près de 43 ans par les Dechaumel, tous deux décédés aujourd’hui, jusqu’à ce qu’elle soit vendue en 2015. Son nouveau propriétaire en a confié la restauration à Prill Porsche Classics, spécialiste basé en Angleterre, avec l’objectif de la remettre dans une configuration Le Mans 1971. Durant cette restauration, elle aura été équipée d’un 2,5L S/T d’époque, d’un capot moteur et d’ailes avant en fibre de verre, des portières en aluminium et des vitres en plexi. Preuve de son importance et d’une certaine popularité, ce modèle spécifique a même été immortalisé à l’échelle 1/43è par la marque Troféu dans sa configuration du Mans 1971. La version grandeur nature, ex-Porsche 911 de Jacques Dechaumel qui aura finalement participé à trois grandes compétitions légendaires à son volant (1000 km de Spa, 1000 km de Paris et 24 Heures du Mans) sera prochainement visible au Mans Classic en juillet 2025.

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