Autre temps, autres mœurs, dans les années 50 on ne sait pas circuler autrement qu’en voiture. Les sans-grade « congé-payé » roulent en 4 CV, les patrons en limousine, les vedettes en coupé sport. Le chemin de fer se relevant à peine de la récente bataille du rail, le seul moyen de voyager en France et d’arriver à bon port en toute discrétion c’est l’automobile. Michèle Morgan ne déroge pas à la règle. Elle passe beaucoup de temps avec son mari de l’époque dans sa Studebaker.

Par Roland Borghini

Cliché volé : Michèle Morgan dans sa Studebaker

Elle regarde l’objectif, le sourcil levé, comme une princesse dérangée dans l’intimité du salon de l’habitacle confortable de sa Stud ; presque courroucée par l’insolence du photographe de presse qui ose la surprendre, impatiente, dans sa belle américaine. 1951, la méga star du cinéma français enchaine les succès depuis son retour des Etats Unis et s’accorde une halte entre deux tournages. C’est l’hiver. Et à cette époque, en France il neige. Surtout lorsqu’on approche de la station de ski de l’Alpe d’Huez, lieu de villégiature du couple. Michèle a divorcé de William Marshal en rentrant en France en 1946 avec qui elle a eu un enfant. Elle a épousé en seconde noce le beau Henri Vidal résultat d’un coup de foudre sur le tournage de Fabiola, d’Alessandro Blassetti. Si le deuxième mari des plus beaux yeux du monde n’est pas sur la photo, c’est qu’au moment du cliché il travaille. Essayer de chausser les chaînes aux roues arrières d’une auto, pour s’apprêter à passer les vingt et un virages du Bourg d’Oisans, c’est un vrai boulot. Déjà, à l’époque, les chaînes à neige, ça n’est pas coton à poser. Mais il en faut plus à Vidal pour renoncer. Les roues et les pneus, on a ça dans le sang chez les Vidal. Le paternel d’Henri à fait toute sa carrière chez Michelin.

Navette de stars

La Studebaker Champion cabriolet de Michèle Morgan et Henri Vidal, on la verra souvent pendant les dix ans de leur union. Sagement garée en bas de L’hôtel Lambert, au nᵒ 2 de la rue Saint-Louis-en-l ‘Ile à Paris. Ils occupent l’appartement à l’étage-attique, au-dessus de la galerie Hercule, se terminant par un balcon en demi-lune qui domine la Seine. (L’escalier de bois et de tomettes menant à leur ancien appartement porte aujourd’hui le nom d’escalier « Michèle Morgan ». L’appartement est la propriété de Xavier Niel). On la reconnait de loin avec son avant torpille, la Stud, avec son incroyable calandre bullet nose qui contraste étonnamment avec son arrière qui frôle la banalité d’une européenne. Les autos françaises, on les voit partout dans les rues. A Bastille, à Nation à Montmartre. Les Américaines, c’est plus rare. Elles sont réservées aux bandits dans les films. A Gabin qui roule en Cadillac dans « Touchez pas au grisbi ». C’est presque la fin des Tractions, le règne des Juvaquatre avec leur 4 cylindres Ventoux poussif, des Simca 6. Oh, il y a bien quelques privilégiés pour rouler en Delage et Delahaye, mais ces happy few résident du côté de La Muette. L’industrie française tarde à se relever des dégâts causés par la guerre. Un couple de stars qui veut voyager de manière confortable, fiable et puissamment, roule donc made in USA. La Stud n’est pas une foudre de guerre. Mais elle tire quand même 85 ch de son 6 cylindres en ligne 3 litres. C’est le double de la puissance de la 203 Peugeot…Pour une consommation à peine plus importante, car la Studebaker a la réputation d’avoir un appétit d’oiseau, celle de Michèle Morgan ne déroge pas à la règle. 

Fin d'itinéraire… tragique

@DR - domaine public

Ça tombe bien, on n’est pas économe des kilomètres dans la famille. D’abord, il faut traverser tout Paris pour se rendre aux studios de Boulogne. On va sur le tournage de « l’étrange Madame X » dans la Marne ou Henri et Michèle jouent les deux rôles principaux, on va jusqu’à Marseille aussi pour tourner « Les salauds vont en enfer » de Robert Hossein avec le copain Robert Dalban. Et puis, bien sûr, on va visiter la belle-famille en Auvergne. « En septembre 1951, le couple descend même à l’hôtel Métropole à Royat, raconte Sophie Leclanché, journaliste au quotidien La Montagne. » Un photographe immortalise même l’évènement. Auvergnat d’origine, parti très tôt pour faire carrière à Paris  – il sera même élu Apollon dans un concours de beauté en 1939 – Henri Vidal ne perd jamais une occasion d’aller saluer ses parents à Clermont-Ferrand. À l’époque, il faut un peu plus de quatre heures pour rejoindre l’Auvergne en voiture. La Route Nationale 9 est rapide mais dangereuse. Pierre Boulanger, directeur général des usines Citroën, vient d’y trouver la mort en Traction. Mais Michèle Morgan est folle amoureuse de son Henri. Alors, ce ne sont pas quelques centaines de km parcourus sans limitation de vitesse avec son chéri qui vont la rebuter. Vidal est beau comme un dieu. Mais curieusement, il doute énormément de lui. Il sait qu’on l’appelle « monsieur Morgan » dans son dos, ça le dévore. Il a pourtant une belle carrière derrière lui. En 1951, il a déjà tourné 14 films. On dit même qu’il refuse les productions avec son épouse, afin de faire taire les mauvaises langues qui racontent qu’il a épousé Mademoiselle Morgan pour accélérer sa carrière. Ça ne l’empêchera pas de donner la réplique à Brigitte Bardot dans Voulez-vous danser avec moi ? en 1959. « Pour gigantesque et bien bâti qu’il fut, le Clermontois, connu pour sa gentillesse, n’en cachait pas moins d’abyssales fragilités, continue la journaliste, des faiblesses qu’il tentait de soigner à l’aide de substances artificielles. À sa mort, le 10 décembre 1959, il avait tout juste 40 ans. On a pudiquement parlé de crise cardiaque. Aujourd’hui, on aurait sans doute ajouté « mort d’overdose ». Vidal s’éteint dans l’hôtel particulier parisien du couple. Michèle descend une nouvelle fois à Clermont-Ferrand, en corbillard, pour accompagner la dépouille de son mari dans le petit cimetière de Pontgibaud. « La cérémonie a été, selon La Montagne « d’une émouvante simplicité ». Entourée de la famille d’Henri Vidal et accompagnée, notamment, par l’acteur Robert Dalban, Michèle Morgan, toute voilée de noire, a déposé un bouquet de pâquerettes sur le cercueil de son mari ». C’est par le train, pas en Studebaker, que Michèle Morgan va rentrer, avec son chagrin, à Paris.

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