Dessinée par l’auteur de la Daytona

Le Commandatore n’est pas seulement un ingénieur visionnaire. Enzo Ferrari est aussi un homme fidèle. C’est donc tout naturellement qu’il se retourne une nouvelle fois vers son designer favori pour dessiner la remplaçante des 2+2 de sa firme. Nous sommes en 1971, la 250 GTE est née il y a déjà plus de 10 ans. Et, nous l’avons dit à plusieurs reprises, les « familiales cabrées » – ou tout au moins les habitables de la marque –  sont des bestsellers incontestés permettant de développer des modèles plus exclusifs par ailleurs. Pininfarina, designer historique de Ferrari, se charge donc de tirer les traits de la nouvelle 365. Il confie la direction de ce projet à un de ses collaborateurs favoris de l’époque, Leonardo Fioravanti. Un novateur déjà auteur des dessins fabuleux de la 365 GTB/4 Daytona et de la 288 GTO. Autant dire que Leonardo n’a peur de rien. Surtout pas de casser les codes sixties. Il dessine alors une automobile qui n’a plus aucun rapport avec les devancières. Terminées les galbes des années soixante. Envolées les rondeurs sexy des 250. Place aux lignes tendues déjà très en vogue dans les années 1970. Un capot presque totalement plane, une gueule de requin avec phares escamotables électriques à anti brouillards intégrés suffisent à déclencher une nouvelle polémique. 

Les célèbres designers automobiles italiens Battista Farina (1893 - 1966, gauche) et son fils Sergio (1926 - 2012), dans l'entreprise de design automobile Pininfarina, en 1956. Getty Image

Les critiques fusent un peu partout. « Pourquoi Enzo n’a pas dessiné carrément une quatre portes, on dirait une berline ? » disent certains. Pendant que d’autres critiquent l’évidente virilité que véhicule la nouveauté. En revanche, rien à dire sur l’immense surface vitrée qui éclaire notamment les passagers arrières grâce à des montants de custode minimalistes. Pas non plus sur le châssis, qui ne souffre d’aucune critique majeure. C’est un tubulaire classique qui a été basé sur celui de la 365 GTC/4 allongé de 20 centimètres. Il est pourtant plus court que celui de sa devancière la 365 GT. Ce qui rend le nouveau vaisseau Ferrari, parait –il, plus manœuvrable. Les panneaux de carrosserie, dont certains sont en aluminium, sont installés sur cette cage d’abord à Turin chez le carrossier, puis à Maranello ou Ferrari achève l’auto en s’occupant notamment de monter la mécanique. La suspension à quatre roues indépendantes et le correcteur d’assiette par exemple. La direction assistée de série et la clim aussi. Les quatre nouveaux freins à disques ventilés assistés qui garantissent enfin un freinage à la hauteur. Faisant oublier les défauts de la 365 précédente.  Les pinces de frein savent enfin stopper les 1 500 kg du coupé familial en toute sécurité. D’autant que, une fois de plus, la voiture est un monstre de puissance. Ou s’arrêtera la surenchère ? Cette fois le nouveau V12 (Tipo 251) est encore un quatre arbres à came en tête, mais sa cylindrée est revue à la hausse pour atteindre désormais 4 823 cm3. Il respire encore mieux grâce à six carburateurs Weber 38 DCOE59/60 (trois de plus) et deviendra le cauchemar des mécaniciens comme sa sœur, la Lamborghini Espada. Le bloc de près de 5 litres sort maintenant 340 ch et peut propulser la 365 et ses passagers à 245 km/h en parcourant le 0 à 100 km/h en 7,3 s ! Pas étonnant, c’est presque le même moteur que celui de la Daytona avec un taux de compression un peu moindre et des carters d’huile classiques. La consommation est de 18,1 L/100 km. Autre particularité qui entretiendra la légende de cette belle auto pour spécialistes, les trains de roues de la 365 GT4 2+2 sont encore à moyeux centraux. Comme au bon vieux temps des roues fils. Un œil exercé distinguera donc immédiatement une 365 de profil par rapport à une 400 – qui lui succédera avec la même robe – grâce aux papillons de roues ! « La 365 GT4 est équipé en effet de roues Rudge en étoile à 5 branches mais à papillon central, explique Charles Perrin Tauriac. Elles sont montées d’origine en Michelin XWX. Ces pneus mythiques apparus sur le modèle précédent équipent toutes les GT sérieuses des années 70 ». On retrouvera les Rudge en étoile boulonnées cette fois sur les 400 par la suite et sur les 308 et quelques autres Ferrari équipées cette fois de pneus TRX.

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Accessible en collection mais ruineuse à l’entretien

De 1972 à 1976 Ferrari ne vendra que 525 exemplaires de la 365 GT4 2+2. Mais la carrosserie du modèle survivra sous l’appellation 400. La marque, absente des USA à cause des normes antipollution – ayant un besoin crucial du marché américain décide de lancer la 400 avec une boite automatique de série ! C’est la boite manuelle qui est en option. Chez Ferrari on va à l’essentiel et on équipe la 400 d’une boite Hydramatic General Motors. « Sauf qu’on a oublié un détail à Maranello, continue Charles, c’est que le V12 italien tourne bien plus vite que les gros V8 américains. La boite auto n’aime pas les hauts régimes. Avec trois malheureux rapports, elle va donc régulièrement faire défaut et trainer une très mauvaise réputation. La firme Jaguar commettra la même erreur quelques années plus tard en équipant son XJS avec la GM 400. Trop à l’étroit et peu habituée aux régimes des V12 cette boite automatique deviendra, elle aussi, la hantise des propriétaires en seconde main ». Dans sa robe à peine modifiée la 365 GT4 2+2 aura donc existée sous l’appellation 400 puis 400i (injection) pour enfin terminer sa carrière en 1989 sous le nom de 412

Ferrari 365 GT4 2+2

Les quatre modèles ne sont pas difficiles à trouver sur le marché. C’est la boite manuelle qui semble la plus rare et la plus intéressante à collectionner. On trouve des 365 à partir des 80.000 €, mais les beaux exemplaires tournent autour des 120.000€. Comme toujours, avec ce type d’italiennes, ça n’est pas tant l’achat qui pose problème, mais plutôt l’entretien de la voiture. A titre d’exemple, voici la liste des travaux effectués sur une automobile de 1973 achetée en 1994, à environ 79 000 km. Le propriétaire méticuleux va parcourir 36 000 km avec son auto en l’entretenant scrupuleusement. Lors de l’achat il fera faire l’étanchéité bas moteur, une vérification du vilebrequin et des équipages mobiles, chaine de distribution, pompes, patins, embrayage complet, échappements, trains roulants, freins (étriers + rectification des disques), démarreur, alternateur, climatisation. A 84000 km il fera refaire le haut moteur (soupapes, guides, joints) à 90000 km la réfection complète de la carrosserie. Démontage, traitement des corps creux, mise en apprêt, peinture, remontage. A 102000 km nouvelle réfection des joints de culasse, puis de l’allumage électronique, des échappements Inox, des freins et pour finir des pneus et des amortisseurs arrières hydrauliques, la réfection de toutes les durites huile HP et durites de refroidissement. Nous pensons raisonnablement que cet entretien a du égaler le prix de l’achat de la bête…C’est dire la difficulté de rouler avec ces divas. Bon courage à ceux qui auraient l’idée de s’en offrir une. Et à bientôt pour la 456 Story. RB 

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