Par Roland Borghini

Machine à décomplexer les égoïstes

« Ne t’inquiètes pas chérie, il y a de la place pour les enfants »…La marmaille a bon dos lorsque les  moteurs V12 chantent comme des sirènes. Ce ne sont pas les épouses de « ferarristes » qui vous diront le contraire. Quand il est question d’assouvir leur passion, les hommes peuvent être hypocrites. Si si. Enzo Ferrari l’a compris il y a longtemps. Les deux places arrières de ses bombes roulantes 2+2, n’ont donc jamais été autre chose qu’un prétexte destiné à décomplexer les égoïstes passionnés de chevaux cabrés. Vous voulez des preuves ? Croiser une Ferrari, c’est déjà plutôt rare. Mais en apercevoir une avec quatre personnes à son bord c’est du presque jamais vu. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. En 1967, la remplaçante de la 330 GT 2+2 ne déroge donc pas à la règle. Elaborée sur la base de la 500 Superfast – une bombe V12 de 400 ch fabriquée à 37 exemplaires – et surtout de la 330 GTC, une voiture unique commandée sur mesure par la Princesse Liliane de Réthy (épouse du roi Léopold III de Belgique), la 365 GT 2+2 est tout simplement monumentale. Elle est même si longue qu’elle frôle les cinq mètres. C’est la taille d’une BMW 2500 quatre portes de l’époque ! Sa malle arrière n’a jamais été aussi généreuse. Son capot avant immense. Ses moustaches de pare-chocs avec cligno intégrés ne sont pas sans rappeler celles de la Type E. Elle perd ses globes de phares caractéristiques, mais garde sa petite bouche. Ne vous fiez pas aux apparences, cette « Ferrari des familles » dispose du plus gros V12 jamais construit pour un 2+2. Dérivé du fameux moteur élaboré par l’ingénieur Colombo, le bloc qui reçoit l’appellation de Type 245 est désormais un 4390 cm3 à quatre arbres à came en tête! 400 cm 3 de plus que son prédécesseur. 320 ch qui font de cette auto la Ferrari 2+2 de route la plus puissante jamais construite de son époque. Alimentée par trois carburateurs double corps inversés Weber 40 DF/1, elle est capable d’emmener ses quatre passagers à plus de 240 km/h.

ferrari 365

Un comportement de sportive

 Il faut avoir entendu un jour la sonorité de ce moteur incroyable. Son feulement, travaillé par des pots d’échappement à quatre sorties Ansa, est ahurissant. La 365 est un missile sol/sol capable de parcourir le km départ-arrêté en 27 secondes. Elle est équipée d’une boite 5 rapports ZF et d’un pont arrière autobloquant. Et malgré sa suspension arrière hydropneumatique à réglage automatique (destinée à gérer le surpoids dû aux passagers et à leurs bagages) elle se comporte comme une sportive. Suspensions combinées ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques, châssis tubulaire encore plus rigide…Pas étonnant qu’Enzo Ferrari lui-même ait donc demandé à Michelin de mettre à disposition de la Scuderia les derniers pneus de sport de la firme. Le fabriquant auvergnat a mis en effet au point le XWX. Seul pneu radial capable de résister à des vitesses de plus de 270 km/h. « A l’époque, il n’y a pas beaucoup de firmes capables d’élaborer des pneus de ce type hors compétition explique Charles Perrin-Tauriac. Sachant qu’une course ne dure que quelques heures et nécessite parfois plusieurs changements. Le XWX a une structure radial inédite. Il est à la fois endurant, mais reste aussi souple. Ce qui lui permet de réaliser des performances remarquables, alliant vitesse, agrément de conduite et sécurité. Ferrari choisit des 215/70 VR15 pour équiper sa 365 GT 2+2. Les pneus sont si efficaces que près de 60 ans plus tard ils sont encore fabriqués et coutent au passage pas loin de 400 € pièce… »

Ferrari 365 GT 2+2

Il faut dire qu’à la fin des années 60, l’Allemagne et l’Italie sont en avance sur le programme de développement autoroutier européen. Ces deux pays sont également les principaux producteurs d’automobiles capables de dépasser largement les 200 Km/h. Il n’y a évidemment pas de limitation de vitesse. Les XWX équipent aussi la Lamborghini Miura, la Maserati Ghibli, la Porsche 911 Carrera RS mais aussi les grosses berlines allemandes Mercedes 300 SE – 6,3l, BMW 3.0 Si. Quelques anglaises comme la Jaguar Type E V12 et l’Aston Martin DBS, la seule française est la Citroën SM. Mais revenons à la 365. La tenue de route est évidemment essentielle. Ce qui ne doit pas faire oublier le confort à bord. A l’intérieur Ferrari a donc réservé une véritable débauche de bois et de cuir à ses futurs acquéreurs. Des compteurs Veglia et des manos partout. Un soufflet cuir pour habiller le levier de vitesse. La climatisation bi-zone de série pour draguer le marché américain et surtout, la toute première direction assistée montée sur une Ferrari qui permet à l’immense volant Nardi d’être manipulé sans effort. « Un équipement qui va d’abord jeter un froid chez les afficionados lors de sa sortie, continue Charles. Car, à l’époque, la direction assistée n’est pas synonyme de performance sportive. Elaborée par la firme allemande ZF, elle fait pourtant le job avec précision, ce qui permet de faire oublier, entre autre, le poids conséquent du V12 sur le train avant ». Autant dire que cette 2+2 a tout pour plaire. Il ne s’en vendra pourtant pas plus de 800 exemplaires jusqu’en en 1971.

Aujourd’hui il faut débourser un minimum de 160.000 € pour s’en offrir une. Les très beaux exemplaires tournant plutôt autour des 230.000€. Normal, l’auto est mythique et a été souvent très bien entretenue. C’est le prix d’une jolie maison de campagne à 150 km de Paris. Sans les impôts fonciers et avec le voyage. Et surtout avec la musique en plus.

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