Après l’avoir laissé filer une première fois, la Team Lotus va parvenir à s’offrir durant trois ans les services du jeune prodige Ayrton Senna. Mais la mythique écurie aura bien du mal à satisfaire les besoins de son bouillonnant pilote…

Crédit photo : Wikipédia, Ayrton Senna et sa Lotus 98T en 1986 @DR

Disparition de Chapman : il faut restructurer Lotus

Colin Chapman - Lotus
@DR Flickr

Septembre 1983. Derrière les murs gothiques du château de Ketteringham Hall, siège du Team Lotus de Formule 1, on ne s’est pas encore remis de la mort soudaine du patron, Colin Chapman, moins d’un an auparavant des suites d’une crise cardiaque. Dans les brumes du Norfolk, la légendaire mais un peu moribonde équipe attend une nouvelle victoire. Depuis le triomphe de 1978, le Team n’en a remporté qu’une (de Angelis au Grand-Prix d’Autriche 1982) et compte beaucoup sur la récente embauche de l’ingénieur Gérard Ducarouge et sur le moteur Renault pour redresser le nez. C’est dans ce contexte que le team manager Peter Warr, un fidèle de Chapman depuis 1958, convie au château un jeune pilote brésilien du nom d’Ayrton Senna : « Je l’observais depuis plus d’un an, se souvient Warr, et le trouvais très prometteur lorsque je lui ai demandé de venir nous voir pour discuter de l’éventualité de piloter pour nous. Après une longue discussion, une visite de nos locaux et quelques échanges avec Ducarouge, j’ai sauté le pas et lui ai proposé un volant aux côtés d’Elio de Angelis. À ma grande surprise, il a accepté immédiatement et nous avons même convenu d’un salaire, 50 000 dollars par an plus les primes en fonction des points obtenus. » Mais la marque anglaise John Player Special va briser cet élan. Principal sponsor de Lotus, elle souhaite conserver un pilote anglais dans l’équipe, en l’occurrence Nigel Mansell, embauché par Chapman en 1980. C’est la douche froide pour Warr et Senna, qui s’en ira chez Toleman pour la saison 1984. « On n’a pas tardé à prendre conscience de l’extraordinaire opportunité que nous avions manqué lorsque Senna a commencé les essais d’hiver », se souvient Warr. D’autant que chez les Noir & Or, les couleurs de JPS, on n’aurait pas été fâché de voir décamper le moustachu qualifié de pleurnicheur par les mécaniciens. Après le départ de Mansell chez Williams en 1985, Senna débarque enfin chez Lotus pour un salaire annuel de 585 000 dollars, plus de dix fois ce que lui avait été proposé l’année précédente !

Le retour d'Ayrton Senna aux écuries Lotus

Ayrton Senna Portugal, 1985
Ayrton Senna Portugal, 1985 @DR Flickr

Ayrton Senna remporte sa première victoire dès la deuxième course de la saison 1985, le Grand-Prix du Portugal à Estoril. Sous des trombes d’eau, il laisse le deuxième, Alboreto, à plus d’une minute. « J’ai arrêté de compter le nombre de fois où j’ai failli sortir de piste » racontera-t-il à l’arrivée. Puis c’est la victoire à Spa, encore sous la pluie tandis que de Angelis l’emporte à Imola. Entre le fougueux brésilien et l’italien taciturne, les relations commencent à se dégrader doucement, les deux hommes prétendant au statut de premier pilote. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes et avec sept pole-positions au compteur (mais une décevante quatrième place au championnat), Senna est bien le leader chez Lotus. On est aux petits soins pour lui et l’on s’émerveille de la qualité des informations qu’il partage avec les mécaniciens. « Durant cette période où je chronométrais Ayrton chez Lotus, raconte le journaliste Gérard Crombac dans ses mémoires, je l’ai souvent côtoyé et je fus vite ébloui. Outre ses qualités d’équilibre et ses bons réflexes, il possédait le pouvoir de se concentrer sur la F1 d’une façon prodigieuse. Je me rappelle le Grand-Prix d’Italie où je l’ai vu choisir ses pneus pour la course. Tous les trains qu’il avait utilisés aux essais étaient alignés devant le camion et il les passait en revue : ‘C’est celui avec lequel j’ai tourné au début samedi matin, je me rappelle que l’arrière droit était très bon, on le prend. Et pour l’arrière gauche, on prend celui du deuxième train de vendredi.’ »

Elios de Angelis
Elios de Angelis - pilote Lotus. Crédit photo : wikipédia, @DR

À la fin de la saison, de Angelis s’exile chez Brabham et alors qu’on envisage Derek Warwick pour lui succéder, Senna s’y oppose, déclarant que le Team Lotus n’est pas en mesure de fournir deux voitures compétitives à deux pilotes de premier plan…  Il lui préfère le vicomte Johnny Dumfries qui ne risque pas de lui faire de l’ombre, et regrettera plus tard de s’être fâché avec Warwick. Senna reste toutefois très apprécié par son équipe, en témoigne Bob Dance, mécanicien du Team depuis les années 60 : « Ayrton avait beaucoup d’humour, c’était vraiment un type agréable à fréquenter. Les choses se sont gâtées avec la pression générée par les médias. Il était très heureux parmi les mécaniciens mais, avec sa popularité grandissante, il devait souvent se cacher. »

Ayrton Senna : victoires aléatoires à la Team Lotus

Lotus sponsorisé par Camel
Lotus sponsorisé par Camel pour Ayrton Senna 1987 Belgian GP @DR Flickr

En 1986, Ayrton Senna démarre fort. Il est deuxième au Brésil et vainqueur en Espagne avec 14 millièmes de seconde d’avance sur Mansell, un des écarts les plus courts de l’histoire. « Ma troisième victoire, dira-t-il, mais la première pour laquelle j’ai vraiment dû me battre ». Mais la fiabilité de la Lotus-Renault 98T laisse à désirer et malgré une seconde couronne à Détroit et une belle moisson de huit pole-positions, il parvient rarement à confirmer. En outre, le moteur Renault est du genre gourmand et s’accommode mal de la réglementation qui fait passer l’allocation de carburant de 220 litres à 195, ce qui contraint souvent Senna à réduire la pression de suralimentation et à laisser filer ses adversaires. « Le moteur Renault est puissant pour un tour, commente-t-il en Australie, mais il ne résiste pas aux sollicitations d’une course entière ». Une nouvelle fois quatrième au championnat, les signes de frustration commencent à se manifester chez ‘Magic’ Senna. Pour la saison 87, l’espoir renait lorsque le Team Lotus parvient à décrocher un sponsor enfin à la hauteur de ses ambitions. Exit JPS, welcome Camel, qui permet à la vénérable équipe de s’offrir le même moteur Honda que les redoutables Williams. En devenant jaunes, les Lotus perdent en esthétique ce qu’elles gagneront en performances, du moins sur le papier. Equipées d’une suspension active, un brevet Lotus datant de 1983, les Lotus-Honda 99T ne brillent que dans les circuits citadins avec deux victoires pour Senna à Monaco et Détroit. Le reste de la saison est chaotique. À Spa, après une collision entre sa Lotus et la Williams de Mansell, les deux pilotes s’empoignent dans les stands. En Australie, il perd sa deuxième place après la disqualification de sa 99T pour un détail technique… Senna termine troisième du championnat mais il a déjà la tête ailleurs. Alors que pour Lotus, c’est le début de la fin, pour Senna parti chez Mac Laren, c’est le début d’un règne qui va l’élever jusqu’au Panthéon, tragique et flamboyant, de la Formule 1 moderne.

Ayrton Senna
Ayrton Senna, pilote McLaren. Crédit : Wikimedia commons @DR

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