La clairvoyance d’Enzo Ferrari a fait une nouvelle fois mouche. Le patron a ouvert le marché à des « petites autos » puissantes, rapides, néanmoins accessibles. Mais on ne peut pas toujours avoir raison. La Dino 308 GT 4 du Commandatore cartonne un peu moins. C’est sur la base de cette 2+2 controversée pourtant, qu’il va demander à Pininfarina de travailler la remplaçante de la Dino 246 GT.

Par Roland Borghini

Un V8 sinon rien

 C’est Leonardo Fioravanti qui s’y colle. Le designer, rentré chez le carrossier le plus connu de la planète en 1964, n’est pas un débutant. Il a déjà dessiné les Dino 206 GT et 246 GT/GTS et, excusez du peu, la sublime 365 Daytona. Il n’a pas non plus trop de temps à perdre. La concurrence presse. Toujours à la pointe des techniques, il décide donc de transformer immédiatement sa maquette en composite polyester. Le résultat est bluffant. La nouvelle biplace de Modène est impressionnante de beauté. Elle est taillée à même la fibre de verre. Elle reçoit vite le surnom de la matière composite utilisée : « vetroresina » en italien. Au châssis classique en tubes d’acier, est associé le V8 déjà bien éprouvé de la GT4. Un 2,9 l de cylindrée que la marque ne prend même pas la peine de faire évoluer.  « A quoi bon retravailler un bloc qui sort déjà 255 ch », pense-t-on chez Ferrari. Après tout, le nom de code F106 AB – double arbre à cames, carter sec, 4 carburateurs Weber 40 DCNF – est capable de flirter avec les 8 000 tr/mn, notamment grâce à son vilebrequin spécial. La nouvelle féfé peut même dépasser les 250 km/h ! Mais ça n’est pas le moindre de ses atouts. Elle est ultra-basse, 1m12, elle ne mesure que 4m20 et elle est ultra-légère et ne pèse que 1090 kg. Les Porsche 911, ennemies héréditaires des berlinettes italiennes, sont surclassées. Elles sont un peu plus lourdes, moins puissantes et moins rapides. Elles sont surtout plus chères. Même si les vieux porschistes – dont votre serviteur fait partie –  précisent que les 911 freinent mieux. Bon, 120.000 Francs en 1975, c’est quand même de l’argent. Mais c’est notamment 4000 francs de moins qu’une belle de Stuttgart. L’histoire ne parle évidemment pas encore de la qualité des aciers italiens de l’époque. Ni d’ailleurs de la fiabilité pour le moins erratique des Ferrari. Peu importe, la musique du V8 italien est unique, la 308 GTB est certes une diva, mais elle tient la route. Même si son nez est un peu léger et cherche son chemin comme un épagneul par grand vent. Mais c’est aussi un des défauts qui caractérisent les 911. Il faut aussi revoir régulièrement les courroies et penser à régler les carbus. La 308 n’est surtout pas adaptée au marché américain.

ferrari 308 GTB
@DR - Crédit Photo : Flickr

Carrosserie acier et carter humide pour la 308 GTB

Dès 1977 elle récupère une carrosserie en acier à peine plus lourde. Un moteur à carter humide, une magnifique carrosserie GTS, à toit amovible, qui fera notamment les beaux jours de Tom Seleck dans la série télé Magnum. Mais les normes anti-pollution draconiennes obligent la marque de Modène à étouffer son merveilleux moteur avec un système d’injection asthmatique. Un procédé qui a la particularité d’amoindrir la puissance du V8. En 1980 les 308 rebaptisées GTBi et GTSi n’ont plus que 214 ch à faire feuler. Ferrari a bien conscience d’avoir déçu ses afficionados. La firme révise alors les culasses de sa belle, en les dotant de 4 soupapes par cylindre. La nouvelle 308 se nomme désormais Quattrovalvole et frôle la puissance initiale avec 240 ch. L’honneur est sauf. Ouf. La 308 se sera vendue à 12.149 exemplaires. C’est évidemment la « Vetrossina » la plus rare. Produite à 808 exemplaires, compte tenu des centaines qui terminèrent « au fossé », il doit en rester une petite poignée en état. Il faut compter pas moins de 100.000 € pour s’offrir un bel exemplaire. 50 à 60.000 € de plus pour toucher une poly. Si vous souhaitez vous en offrir une, faites attention à ce que l’historique soit limpide et surtout à l’entretien. Sans être fragile, l’auto est délicate et ne supporte pas l’à-peu-près. Le moteur est indestructible pour peu qu’on veille aux courroies. Un détail, nécessitant la dépose du bloc moteur. La boite n’est pas un modèle de durabilité. Comme l’embrayage d’ailleurs. On connait nombre de propriétaires qui évitent de passer la seconde à froid afin de prolonger l’existence du synchro. La carrosserie est sujette à la rouille. La corrosion peut faire des ravages parfois invisibles. Quant à la finition de l’habitacle, elle ressemble au reste des productions italiennes de l’époque. Séduisante mais pas solide. On ne compte plus les propriétaires incapables de remonter les vitres électriques sous la pluie (problème classique de câble de portières), les interrupteurs qui lâchent, ou les phares en rideaux. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Une Ferrari ça reste LA voiture à avoir possédé une fois dans sa vie. De l’avis de tous la 308 n’est pas difficile à conduire et elle procure des sensations fantastiques. N’est-ce pas le principal ?

Partagez cet article