On a beau être américain et patriote, abonné aux saluts à la bannière étoilée, aux Cadillac et aux amplis Marshal, on n’en reste pas moins sensible aux charmes des belles Italiennes. Même quand on est plus connu que le père Noël. C’est ce qui n’a pas manqué d’arriver au roi du rock interplanétaire.

Par Roland Borghini

La dévolue du King

On n’est jamais à l’abri d’une tuile. Ni d’un coup de foudre. Après des dizaines de Cadillac, de Chevrolet, deux Rolls et même deux Stutz, sans parler d’une très rare BMW 507 Roadster, une Mercedes 600 et même une MG, Elvis Presley n’avait jamais cédé aux sirènes transalpines. Il aurait pu tenter sa chance avec une Ferrari – il finira par le faire – ou jeter son dévolu sur une Lamborghini. Non, il a cédé aux charmes d’une Pantera. Bon, ça n’était pas totalement sa faute. 1971, Elvis se rend chez son concessionnaire Lincoln Mercury de Memphis. La célèbre marque américaine ne se contente pas que de fabriquer des limo en livrant une guerre féroce aux Cadillac de la General Motors. Elle distribue aussi une marque alors assez peu connue aux Etats Unis, De Tomaso. Là, au beau milieu du showroom de la concession de Union Avenue, trône donc le dernier monstre de la marque dans sa livrée jaune poussin, la Pantera. Même si les ateliers de la firme sont stationnés à Modène, De Tomaso n’est pas une marque italienne comme les autres. D’abord, elle a été fondée en 1959 par un Argentin, Alejandro de Tomaso. C’est même la raison pour laquelle on retrouve le bleu et le blanc des couleurs du drapeau national dans son logo. Ensuite, contrairement à Ferrari, Maserati ou Lamborghini, De Tomaso n’est pas un motoriste. Donc, il va équiper ses autos avec des moteurs Ford. « Des blocs très fiables, explique un spécialiste, parmi lesquels il choisit pour commencer un malheureux quatre cylindres ». Nous sommes alors en 1964 et l’auto porte le nom, de Vallelunga, allusion au circuit du même nom de la province de Campagnano di Roma. Alejandro a fait dessiner sa voiture de sport par la Carrozzeria Fissore. Son look est époustouflant. Son moteur emprunté à une simple Cortina ne développe pourtant que 106 ch, il parvient cependant à emmener l’auto à la vitesse incroyable de 215 km/h. La Vallelunga à une autre particularité, elle est construite autour d’un châssis-poutre en acier. Une spécificité qui restera la signature technologique du constructeur.

Mais retour au coup de foudre du King. Comme toutes les rock stars, Elvis n’a pas de temps à perdre et malgré les disgracieux « side lamp » qui ornent sa carrosserie – ces feux de gabarit rendus obligatoires par l’administration US –  il l’achète immédiatement, pour la modique somme de 2400 dollars. Soit, si l’on en croit les calculateurs d’inflation, 17 321 dollars d’aujourd’hui. Vraiment pas très cher donc. Bon, ça n’est pas totalement un coup de pieds à l’industrie américaine. Car la Pantera dispose d’un atout certain – un défaut majeur pour les adorateurs des divas italiennes – elle est équipée d’un V8 351 Cleveland 5.8 l, parent proche du moteur de la Ford Mustang Boss 302, variante haute performance à culasse spéciale et grosses soupapes. Normal, Henri Ford JR qui s’était vu éconduire par le Commandatore Enzo Ferrari lui-même, quelques années auparavant, lorsque la firme américaine avait voulu racheter Ferrari, a décidé de prendre sa revanche en entrant au capital de De Tomaso. C’est donc presque une marque italo-américaine. 

Un cadeau peu fiable

Et puis, pour être complet, cette voiture n’est pas pour lui ! Le king cherche un cadeau à offrir à sa petite amie du moment, l’actrice Linda Thompson. Il décide de lui payer l’italienne qui raffole de la couleur. La « De Tom » est magnifique, c’est une évidence. Elle a été mise au point par l’Ingénieur Gianpaolo Dallara un ex de chez Lamborghini. Mais surtout, elle a été dessinée par Tom Tjaarda, l’homme qui a élaboré la Ferrari 365 California. La sensationnelle Daytona. 

La Pantera n’est pas ce que l’on peut appeler une voiture féminine. «Ça n’est pas que sa conduite soit difficile« , explique Guy de Royère, un passionné de 246 GT qui garda longtemps une Pantera en pension, -« Il faut juste se faire à ses dimensions, ses surfaces vitrées particulières et sa position ultra-basse. La curiosité, c’est que le volant, comme le pédalier, sont décalés à droite ». Mais s’il n’y avait que le curieux tableau de bord, les compteurs Veglia (dont on retrouvera le style et l’exactitude légendaire de la jauge à essence notamment sur les Innocenti Cooper) ça ne serait que péché de jeunesse. La Pantera souffre d’un vrai problème bien plus grave. Mal conçue et mal construite, son V8 surpuissant disposé en position centrale arrière, trop confiné, chauffe comme une locomotive Pacific en fin de ride « coast to coast ». Une particularité qui peut provoquer des incendies lors du remplissage du réservoir, dont les conduits passent non loin du collecteur… La Pantera dispose par ailleurs d’un faisceau électrique à la fiabilité fantaisiste. Et pour couronner le tout, elle n’aime pas non plus les encombrements, car ses radiateurs, situés à l’avant, sont mal refroidis. Enfin, elle ne dispose pas de la direction assistée. Ce dernier défaut ne pose finalement pas trop de problèmes, puisque son train avant est si léger qu’il se lève comme celui des 911 première génération, nécessitant des corrections incessantes au volant au-dessus de 55 milles/PH (100 kmH). Pour parachever cet idyllique portrait, la voiture rouille plus vite que son ombre et sa boite de vitesse est en H, la première en bas à gauche.  Il y a plus pratique pour séduire une jeune actrice élevée aux shift douceâtres des boites auto GM. Peu importe, en offrant le monstre à sa girlfriend, Elvis s’est fait aussi un peu plaisir. Le V8 à du couple à revendre, il sort 330 ch pour 1400 kg et pousse comme un chasseur. C’est sans doute le principal atout de l’auto avec son look ravageur. Elvis s’amuse régulièrement à faire peur à ses amis en accélérant comme un fou sur les highway.

Du coup de foudre au coup de feu

 Les défauts du monstre italo-américain apparaissent pourtant assez vite. Ce qui a le chic de provoquer l’ire du king.

 « Un jour, alors qu’il sort d’une engueulade musclée avec sa compagne, le king veut aller faire un tour pour se décontracter en faisant rugir les quatre pots de sa Pantera, raconte le président de son fan club à Memphis.  Mais la belle refuse de démarrer. Furieux, Elvis va chercher son Colt 45 et lui tire quatre balles dessus ! ». L’une transperce la porte. Une autre, le plancher. Une autre, encore un pneu et la dernière vient se perdre dans l’habitacle. L’histoire ne dit pas si la « De tom » finit par démarrer après ces « sollicitations » pour le moins brutales. Une chose est certaine, le king finira par revendre son fauve jaune en 1976 soit un an avant sa mort. La Pantera changera ensuite plusieurs fois de mains. Avant d’être rachetée par le fondateur de Motor Trend et Hot Rod, Robert E.Petersen, à la fin des années 1990 pour un montant avoisinant les 2 millions de dollars. La Tomaso Pantera 1971 d’Elvis, portant le numéro de châssis THPNESO1954, construite en juillet 1971, immatriculée sous le numéro 1-NV245 coule désormais des jours plus paisibles en bonne compagnie à côté de la XK-SS de Steve McQueen et des deux Cadillac 1953 de Rita Hayworth au Petersen Automotive Museum à Los Angeles. Si vous avez un jour la chance de vous y rendre, vous pourrez constater l’évidence. La peinture a été refaite, mais si vous regardez de plus près à l’intérieur, un détail vous saisira évidemment. Le volant de l’auto n’a jamais été changé. Il a donc gardé les stigmates de l’impact de la quatrième balle qu’Elvis Presley tira avec son Colt !

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