Plus qu'un nom

Le cabriolet Corniche a emprunté son nom à une route escarpée des hauteurs de Monaco. Il paraît que rouler en Rolls cabrio là-bas, serait le seul moyen de ne pas se faire remarquer au casino de Monte-Carlo. Cette voiture est aussi surtout, pour les vrais puristes, bien plus qu’une simple anglaise de frime. C’est un véritable art de vivre.

Quand elle est sortie en 1965 la Rolls Royce Silver Shadow, dont est issu le coupé cabriolet, a fait l’effet d’une bombe dans le landernau automobile. Non pas que sa ligne de caisse rectiligne à taille droite fût révolutionnaire. Non, elle marquait simplement le vœu de la marque de Crewe d’entrer dans la modernité. Première carrosserie ponton, coque auto-porteuse de la firme honorée par la reine, elle prenait la suite dans la lignée des très prestigieuses Silver Cloud et Phantom V. Des véhicules certes magnifiques, voire illustres, mais qu’aucun ne qualifiait de lourds et surannés. Chez Rolls on poussa même le bouchon jusqu’à équiper la Shadow d’un V8 6.7L tout alu, succombant à la mode américaine. Dernier détail de taille de cette révolution sur roue, la légende raconte même que la Silver Shadow fut conçue pour être conduite par ses propriétaires et plus exclusivement par un chauffeur casquetté. Chocking !

Autant dire que, quand la Corniche coupé fut lancée en 1967, elle provoqua presque la faillite des fabricants de casquettes (qui durent écouler leur stock de couvre-chefs en les proposant aux voituriers).

20 cm plus longue qu’une Audi A6 break

Même si c’est une stricte deux portes, la Corniche n’est pas plus courte que sa berline de sœur. Elle mesure exactement la même longueur soit 5,18 mètres, car elle en reprend la plateforme, renforcée et alourdie. Près de 20 cm de plus qu’une Audi A6 break ! Elle garde évidemment la calandre mythique de son aînée, copie exacte des frontons de temples grecs et bien sûr, sa mascotte légendaire The spirit of Extasy, cette représentation d’une jeune femme les bras déployés comme des ailes, la robe flottant au vent, créée en 1911 par le sculpteur Charles Sykes.

C’est évidemment Bill Allen qui en a fait le dessin, mais contrairement à la berline dont il est également le designer, il a fait fuir la ligne de caisse à partir de la porte pour la faire onduler en rebondissant élégamment sur l’aile arrière. Une frisure ondoyante qui n’est pas sans rappeler le déhanchement de la TR4. Ce n’est pas RR qui fabriqua la Corniche à ses débuts, mais deux des carrossiers fétiches de la marque, Mulliner Park Ward et John Young. La voiture était faite entièrement à la main. C’est une des raisons pour laquelle elle coûtait à l’époque 5 fois le prix de la jaguar Type E !

Rolls Royce Corniche

L’écrin d’une boîte à bijoux Cartier

 Nous parlons régulièrement, de l’émotion qui nous étreint lorsque que nous découvrons une ligne mythique ou le confort d’un célèbre habitacle. Rentrer à l’intérieur d’une Rolls fait partie de ces moments uniques qui ponctuent parfois l’existence des « Céladons » des carrosseries que nous sommes.

Pénétrer dans une Corniche, c’est comme pousser le battant du porche d’une cathédrale qui donnerait sur un salon anglais très secret. La porte de cette auto est incroyablement lourde. Elle est actionnée par une serrure tellement belle et oblongue qu’on dirait la garde protectrice d’une poignée de sabre. L’automobile est haute, 1,83 mètre, son toit culmine donc à l’altitude d’un Range Rover. On grimpe presque à son bord et c’est lorsqu’on s’installe derrière le fin cerceau de bakélite noir du volant, que la visite peut commencer.

 Car une double R comme disent les Anglais, ça se découvre. Ça se contemple aussi comme un monument, une sculpture ou un musée privé. Bien sûr, il y a le tableau de bord en loupe de noyer qui trône devant les yeux éblouis englobant l’instrumentation Smith. Mais seul l’œil exercé notera le fin liseré de hêtre qui parachève le bas de ce chef-d’œuvre de marqueterie.

Ensuite, il y a les sièges, plus des fauteuils d’ailleurs. Evidemment d’orchestre. Car le cuir Connolly de leurs assises chante l’opéra du luxe et du confort. On y est assis presque comme dans des Clubs. Les nôtres sont rouges, Burgundy même. Et on se croirait dans l’écrin d’une boîte à bijoux Cartier.

Enfin, Il y a l’ensemble commande clef-essuie-glaces-témoins de charge, cher au cœur de la marque qui trône comme une signature en plein centre de la planche de bord. Le raffinement des commandes de vitres électriques, avec course de fin pilotée par boutons spécifiques, afin de ne jamais pincer la capote. Les moquettes, si épaisses, qu’elles semblent vouloir faire disparaître vos souliers.

Et pour finir, une multitude de voyants qui s’allument, comme un arbre de Noël quand on tourne la clef Yale pour démarrer le moteur. Ne cherchez pas de quelconques vrombissements à la mise en route. Un V8 Rolls, même à arbre à came central de près de 7 litres de cylindrée, coiffé de deux énormes carburateurs SU et développant selon la marque « une puissance suffisante » (soit autour de 240 ch) ne fait pas le moindre bruit. Au point qu’il est même nécessaire de regarder le compte-tours pour avoir la certitude que le moteur à bien démarré.

Ensuite, on met le levier de la boîte sur Drive. La bête, énorme, majestueuse, s’affaisse alors légèrement, en une génuflexion royale, pour marquer l’enclenchement de la transmission. Les deux lumières de l’hydraulique rouge sont bien éteintes, il est temps de tailler la route. Il fait beau. Alors on décapote. La doublure en mohair disparaît du plafond à mesure que le toit s’ouvre électriquement et la voiture bondit en se soulevant des 4 roues d’un bloc.

3 tonnes et une suspension d’origine Citroën

Elle a beau peser pas loin de 3 tonnes, elle ne souffre d’aucune lourdeur. La direction à crémaillère est précise. Surassistée même, à la mode Cadillac. Mais curieusement, on peut manier ce monstre d’un simple doigt. N’allez pas imaginer pour autant que c’est parce que les roues tournent à la baguette et que le train avant répond précisément que la bête va tourner. Elle finit toujours heureusement par le faire, mais au prix de roulements de caisse impressionnants.

La suspension d’origine Citroën revisitée (ou complexifiée?) par les ingénieurs anglais, n’a qu’un lointain cousinage avec des Koni sport. De toute façon on « n’attaque » pas en Rolls, on se laisse bercer. Cette automobile est une calèche qui flotte au-dessus de la  route comme un yacht de luxe surfe sur les vagues d’eau douce du lac de Côme. Un nuage de chantilly sur un Irish coffe. Un canapé coussin d’air, tapis volant rembourré de plumes d’oie, comme une couette de luxe. La boîte de vitesse est incroyablement douce. On sent à peine passer les 3 rapports de cette GM. Quant aux freins,  ils bénéficient d’un triple circuit et de 6 mâchoires, dont 4 sur les roues avant. Autant dire qu’ils remplissent parfaitement leur fonction.

Dès lors, rouler en Corniche s’apparente davantage à un songe doucereux qu’à une vulgaire promenade. Même si la consommation de la bête est gargantuesque. 25 litres en utilisation normale. 35 en ville…Mais les plaisirs rares n’ont pas de prix et l’on déguste cette croisière avec un sourire jocondien, comme on laisse fondre une bouchée d’osciètre onctueuse en bouche.

Conseils d’achat, un gouffre à l’entretien.

Corniche et Silver Shadow ont la réputation d’être des gouffres à l’entretien.

Normal, le triple système hydraulique qui les équipe est un monstre de  complexité. Il fonctionne avec un liquide spécial Rolls Royce qui a la particularité d’être corrosif et que certains remplacent par du Lookeed. Si la voiture ne tourne pas souvent, il attaquera consciencieusement les mètres de tubulures qui courent sous l’auto.

Les deux pompes avant, les correcteurs d’assiette, les sphères à l’azote soumises à une pression folle de 170 bars ! Le moteur est réputé increvable. Mais gare aux poussoirs hydrauliques, quand ils claquent c’est le signe d’un arbre à came usé ou pire. Les pièces coûtent une petite fortune. Même si de nombreux spécialistes ont éclos ces dernières années, en cassant les monopoles des institutions et en proposant même des pièces d’occasion. Il faut dire que l’auto a été la plus produite de l’histoire de la marque. De 1965 à 1980, pas moins de 31 175 exemplaires ont été construits. Il y a donc même des casses en Angleterre. On y trouve des calandres, des roues, des ponts, des boîtes, des moteurs… Mais la mécanique sur cette auto n’est pas à la portée de tout le monde.

Laissons pour finir la parole à Xavier Giraut. Ce mécanicien de haut vol, spécialiste des Flying Lady, a passé 10 ans à la Franco-Britannique, la maison mère de la marque. A son compte chez XG Auto, il totalise plus de 30 ans d’expérience sur les double R  dans son petit atelier d’Asnières, « Une RR, c’est vraiment une voiture très spécifique. J’ai un client qui a passé une heure à essayer de démonter la roue avant gauche de sa Corniche pour changer les plaquettes, raconte-t-il en riant, il a fini par m’appeler. J’ai dû lui avouer que le serrage était inversé, uniquement sur cette roue ! »

Voilà le genre de mésaventure qui peut vous arriver si vous voulez faire votre mécanique vous-même. « Mais si l’auto a été bien entretenue et dispose d’un passé limpide, il ne faut pas hésiter à en acheter une, conseille Xavier, on en trouve à 10.000 euro en UK, conduite à droite. Les Corniches sont 5 ou 6 fois plus chères. Certes l’entretien peut coûter très cher, mais cette voiture est fantastique. J’ai des clients qui roulent en Shadow depuis 30 ans. Ils possèdent bien d’autres autos dans leur collection. Mais ils n’abandonneraient leur Rolls pour rien au monde.»

Il paraît que, « quand n’on n’a pas eu une Rolex avant 50 ans, on a raté sa vie ». Ça doit être pareil pour les Rolls. Alors offrez-vous vite une Shadow. Vous la paierez le prix d’une GMT Master. Elle sera certes moins fiable que la montre préférée des aviateurs, mais vous voyagerez en première, c’est encore meilleur  qu’en comptant les fuseaux.

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